La Voix du Nord
Vincent Payen, Asseventois devenu trompettiste international «presque par hasard»
Par Cécile Debachy pour La Voix du Nord, Publié le 11/05/2013
Gamin, il découvrait les gammes sur les bancs de l’harmonie municipale. Quelques leçons de solfège et grandes récompenses plus tard, il côtoie les plus grands, d’Alpha Blondy à Michel Jonasz en passant par C2C, et parcourt le monde, sa trompette sous le bras et des rêves encore plein la tête. Le mois prochain, Vincent Payen, gamin d’Assevent devenu quadra parisien, sortira son premier album. Un aboutissement mais surtout le début d’une nouvelle aventure. Rencontre.
La musique, Vincent Payen l’a toujours eu dans la peau. « C’est inexplicable, mais je savais que je voulais en faire mon métier », avoue-t-il. Ado, c’est donc naturellement qu’il franchit les portes de l’harmonie municipale asseventoise. Quand certains passent des heures sur les terrains de foot ou devant la console, lui découvre les gammes, le solfège, et se passionne.
Doué, il apprend vite. On lui propose alors de choisir un instrument. « Le directeur de l’harmonie m’a amené devant une grande armoire. Moi, je voulais une clarinette, parce que tous mes copains en jouaient, mais il n’y en avait plus. Alors, il m’a donné une trompette. J’étais trop triste, j’ai pleuré tout l’été…, se plaît-il à raconter pour évoquer sa première rencontre avec le cuivre. Et puis, deux mois plus tard, j’ai soufflé dedans pour la première fois. Mon professeur a vu qu’il se passait quelque chose, il a appelé mes parents et je suis entré à l’école de Feignies… ».
Ironie du hasard lorsqu’on sait que, quelques années plus tard, il sera inséparable de l’instrument délaissé tout l’été dans un placard…
« Tu aimes le reggae ? »
Le hasard, c’est d’ailleurs un peu ce qui a déterminé le parcours de Vincent. À 18 ans, l’Assenventois quitte famille, amis et copains musiciens de l’école finésienne. Direction Reims pour étudier la musicologie. « Beaucoup venaient de conservatoires nationaux, j’avais beaucoup de retard. Alors, j’ai bossé. Beaucoup. Et je me suis accroché ». Au point de décrocher le premier prix du conservatoire de Reims. Premier exploit du « petit gars du Nord« , comme l’appellent affectueusement ses copains. « À l’époque, je ne savais pas que je voulais faire de la trompette mon métier, mais juste que je voulais faire de la musique parce qu’il y avait des débouchés. En général, quand on ne sait pas trop, on devient prof. C’est donc ce que j’ai fait ».
Le week-end, il délaisse son cartable pour l’orchestre de bal. Il « monte » à Paris se perfectionner, découvre le jazz et la musique de variétés, et fait une première rencontre déterminante. « Je suis allé voir un concert d’Eddy Mitchell et là j’ai entendu son trompettiste, Bessot. J’ai su que c’est ce que je voulais faire, être trompettiste de variétés ». Oublié les salles de classe un peu tristes et la routine du quotidien.
Direction Paris pour devenir intermittent du spectacle. L’appel de l’instrument… « Quand j’ai dit à mes parents que je quittais mon boulot, j’ai cru qu’ils allaient faire une syncope ». Le job change, le répertoire aussi. Sur son pupitre, les partitions de Miles Davis et Louis Armstrong remplacent celles de Maurice André. Plus rythmées, plus inspirantes. Un nouvel univers.
La chance frappe de nouveau peu de temps plus tard. « Je remplaçais un trompettiste dans l’orchestre de jazz de Paris. Celui assis à côté de moi m’a entendu jouer et m’a demandé si j’aimais le reggae et ce que je faisais les trois prochaines années. J’ai dit « rien » . Il m’a demandé si je voulais faire la tournée d’Alpha Blondy. C’était son trompettiste« , s’étonne encore Vincent. La grisaille parisienne fait place à la chaleur des grosses capitales, les petites salles intimistes à la foule, la routine aux pérégrinations aux quatre coins du monde. « Un jour, on a joué sur une plage du Brésil devant 300 000 personnes. Je ne voyais même pas où s’arrêtait la foule. C’était énorme ».
Quarante ans, la maturité
À son retour à Paris, les rencontres musicales s’enchaînent. Presque naturellement. Vincent côtoie Bruel, Jonasz – un rêve de gosse –, s’amuse sur la salsa, intègre des comédies musicales – Cabaret, Fame. – Le jazz lui ouvre des portes, le talent fait le reste. Une rencontre avec le saxophoniste du groupe Hocus Pocus l’emmène sur la scène du hip-hop, une autre dans les concerts du groupe Electro Deluxe. « Quand l’un des membres d’Hocus Pocus a créé C2C, il m’a rappelé pour participer à la tournée…« . Depuis, le groupe composé de DJ a remporté quatre prix aux dernières Victoires de la musique et ne cesse de remplir les salles.
Les pieds sur scène, l’Assenventois à la bonhomie communicative veut rester fidèle à ce qu’il croit. « Les Ch’tis, à Paris, ont la réputation d’avoir le contact facile et d’être des travailleurs. Alors, même si j’ai dix ans de métier, je continue de bosser dur et je ne veux surtout pas prendre la grosse tête ».
Après avoir accompagné autant d’univers, à presque 40 ans, le trompettiste asseventois devenu musicien reconnu semble avoir atteint la maturité. Assez en tout cas pour se lancer « en son nom« . Avec une bande de copains baptisée Leeway, il sortira le 3 juin son premier album, On the road to Lee Morgan, hommage à ce mentor américain, figure du hard bop. Un pari mais surtout le début d’une nouvelle aventure qui, cette fois, ne doit vraiment rien au hasard.